jeudi 16 juillet 2009

LA VALLEE DE LA PAIX - 1994



Pochette du CD « La vallée de la paix ».

Paradis
La vallée de la paix
Quand le jour se lève
Deux pigeons
La ballade des échinodermes
La terre endormie
Face aux objets
A qui n’a pas aimé

On a dit, non sans raison, de cet album qu'il était le pendant de "Lumières". Débutant de manière très rock par "Paradis" ("On croit toucher du doigt le paradis / On en sort abîmé, on en sort sali"), l'album se révèle finalement plutôt sage et serein, malgré les chaos de la "Ballade des Echinodermes", avec des titres majestueux comme "A qui n'a pas aimé". On notera également que pour la première fois (et pour cause de grève de musiciens !), un album de Manset ne contient pas de cordes.
Christophe Dufeu

Paradis

On croit toucher du doigt le paradis
On en sort abîmé, on en sort sali
Gardez vous des honneurs

Je suis né dans un monde austère
Plus lugubre qu’un monastère
Où être en vie, c’est être à naître
Tout connaître

Il parait que c’est par ici
Que vit le Mahatma, le maître
Peut-on le toucher, le connaître
N’est-il qu’hérésie ?

On croit toucher du doigt le paradis
Gardez vous des honneurs
De ce monde-ci
De l’éclat
De ce monde-là

Je me suis armé d’un coutelas
D’une lame à double tranchant
Cette douleur, écoute-la
Ecoute son chant

Je veux qu’on m’amène ici-bas
La vérité et son contenu
Cette phrase longtemps tenue
Personne ne m’aime

On croit toucher du doigt le paradis
On en sort abîmé, on en sort sali

Je me suis armé d’un coutelas
Cette douleur, écoute-la
Comédie

On croit toucher du doigt le paradis
Gardez vous des honneurs
De ce monde-ci
De l’éclat
De ce monde-là

Gardez vous de la nuit
Qui règne ici-bas
De l’éclat
De ce monde

Gardez vous de la nuit
Qui règne ici-bas
De l’éclat
De ce monde

La vallée de la paix

Face aux grandes étendues
Il a marché longtemps
Il a peut-être connu
Ton masque éclatant
Soleils et firmaments
Qui forcent le respect
Spectre revenant
De la vallée de la paix

De la vallée du doute
Il a marché tête nue
Continué la route
Face aux grandes étendues
Où le pire est à craindre
Le meilleur derrière soi
Dans le jour qui va poindre
Sur la vallée de la soie

Tipis en totems
Masques éclatants
Dans la vallée de la peine
Où le doigt de l’ombre s’étend
Il a marché quand même
Il a marché longtemps
Quand les crépuscules reviennent
Il sait ce qui l’attend

Dans la vallée de la paix
Des cavaliers s’avancent
Nuage dans lequel il s’enfonçait
Désespoir de tout ce que l’on sait
Laissez venir, laissez passer
Ceux dont l’amour s’est renversé
Vallée de larme ou vallée de lait
Où ne peut que séjourner (…)

N’importe quel taudis
Où la plante a pu prendre
Le fruit a mûri
La racine s’étendre
Cratères en volcans
Il a payé son dû
Sable sous les paupières
Cimes descendues

Face aux grandes étendues
De la misère humaine
Tous les muscles tendus
Et le tympan qui saigne
Dans la douleur qu’il fait sienne
Il a quand même obtenu
Des astres qui nous mènent
Que la vallée soit nue

Dans la vallée de la paix
Des cavaliers s’avancent
Laissez venir, laissez passer
Ceux dont l’amour s’est renversé
Vallée de larme ou vallée de paix
Où ne peut que séjourner (…)

N’importe quel taudis
Où la plante a pu prendre
Où le fruit a mûri
La racine s’étendre
Dans la vallée de la paix
Les chevaux s’embrassent
Où l’herbe ne meure jamais
Quand les cavaliers passent

Dans la vallée de la paix
Où les chevaux s’embrassent
Où l’herbe ne meure jamais
Quand les cavaliers passent

Où les chevaux
Où les chevaux
Où les chevaux s’embrassent
Dans la vallée

Où les chevaux s’embrassent
Où les chevaux
Où les chevaux

Quand le jour de lève

Quand le jour se lève, on refait sa vie
On entend le chant et la mélodie
Des jours passés
Quand le jour se lève, on refait sa vie
On visite à deux ce qu’on a vu seul
L’oiseau merveilleux qu’on a relâché
A pris son vol,
L’oiseau merveilleux dans le formol
Rivières
Fontaines
N’ont plus d’algues
N’ont plus d’algues
Fonds de vase
Fonds de vase
Tout ceci repoussera
Fonds de vase
Fonds de vase
Libellule s’envolera

Quand le jour se lève, on refait sa vie.
Un château là-bas, une barque ici
Qu’on va pousser
Quand le jour se lève, tout est effacé
Tout est méduse ou murène
Sur l’océan désolé.
Tout est semblable aux arènes
Aux chrétiens écartelés
Au divin dissimulé
Entre les brûlures du sel

Toi qui m’a connu, qui m’a encensé,
Au moins sais-tu ce qui va se passer
Quand le jour sera levé pour longtemps
Fontaines
Rivières
N’ont plus d’herbes
N’ont plus d’herbes
Fonds de vase
Fonds de vase
Tout ceci repoussera
Fonds de vase
Fonds de vase
Libellule s’envolera
Quand le jour se lève

Deux pigeons

Tous les grands serments sont ainsi
Un jour de soleil, un jour pluie
Dans le vent s’en iront aussi
Dans le vent s’en iront aussi

Deux pigeons s’aimaient d’un amour tendre
La trahison peut-elle attendre ?
La trahison et le coup bas
Y a-t-il un bonheur ici-bas ?

La trahison et le verglas
Toujours l’hiver sonne le glas
Des amours fragiles ou secrètes
Que le monde en son sein secrète

Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre
Mais le filet peut bien se tendre
Tout est gibier qu’on plumera
Y a-t-il un bonheur ici-bas?

La trahison et le verglas
Toujours l’hiver sonne le glas
Des amours fragiles ou secrètes
Que le monde en son sain secrète

Deux pigeons s’aimaient
Mais le filet
Tout est gibier
Y a-t-il un bonheur
Y a-t-il un bonheur

La ballade des échinodermes

C’est la fin de ce monde-ci
Et de sa chair en dent de scie
Tout est profondément perdu
Sait-on ce que l’on a connu ?

Des singes ou des échinodermes
De cette faim sous notre derme
De cet épilogue frileux
Plus misérable que galeux

Que sait-on de ce monde-ci ?
De quoi peut-il être transi
Sinon de notre opposition
A ce qui naît et nous contraint ?

Voici que continue le train
Où notre place était acquise
Et c’est ainsi que va l’effroi
Entre les banquettes exquises

Et les reliefs d’un buffet froid
Sur une table qui s’enlise

Que va-t-il arriver
Si notre faim va à l’encontre
De ce qui demeure et qui contre
Et du bijou et de l’écrin

Magnifique enfant de là-bas
Qui fut simulacre et combat ?
Que peux-tu provoquer de plus
Que le chaos, que le trépas

La mortitude et le méplat ?
Des garnisons de solitude

C’est la fin de ce monde-ci
De son amour en dent de scie
Tout est profondément perdu
Sait-on ce que l’on a connu ?

Des singes ou des échinodermes
De cette faim sous notre derme
A qui l’on a touché la joue
Plus misérable que frileux

Plus molécule que galeux
Plus molécule

Nous sommes
Nous sommes des échinodermes
A la muqueuse qui se ferme
Sur fond de monde perdu
Et nous nous battons à mains nues

Nous sommes des échinodermes
Dont la carapace renferme
Un vin, un venin douloureux
Et nous nous battons d’autant mieux

C’est la fin de ce monde-ci
On s’en ira en Italie
Où doit bien être notre lit
Quelque part sous un pin marin

Quelque part sous le romarin
Le marbre est confident du monde
Et ce jour-là sur notre tombe
Un oiseau des plus audacieux

Mangera la chair de nos yeux
Mangera la chair de nos yeux

Mangera la chair de nos yeux
Mangera la chair
Mangera la chair de nos yeux
Mangera la chair de nos yeux

Mangera la chair
Mangera la chair de nos yeux
Mangera la chair
Mangera la chair

La terre endormie

Sans que l’on sache vraiment
Ni pourquoi ni comment
Nos pas nous ramènent
Sur le chemin qui mène
A la terre endormie
Son marbre abîmé
Son arbre endolori
Sa branche brûlée
A la terre endormie

Dans quel monde étais-je
Pour me croire certain
Qu’il vente ou qu’il neige
Qu’on ait froid, qu’on ait faim
Que la vie serait telle
Qu’elle fût une fois
Ou sembla-t-elle
Le restera
Que la vie serait telle ?

Mais la ville est éteinte
Le parc est glacé
Comme l’est ton étreinte
Ton pas délacé
Il reste à marcher
Sur la terre endormie
Mille fois retrouvée
Mille fois salie
Sur la terre endormie

Et le reste est écrit
D’une encre impénétrable
Faite d’iniquité
Comme d’inéluctable
Dans le parc glacé
Ton pas s’impatiente
Ou s’est impatienté
Puisque tout te hante
Sur la terre endormie

Dans quel monde suis-je
Pour me croire épargné
Quand tout n’est que voltige
N’est que subterfuge ?
Dans quel monde fus-je
Dont on m’a tiré ?
Quel orbe étoilé
Mille fois assailli
Et mille fois souillé
Mille fois souillé ?
Mille fois souillé ?

Terre endormie

Face aux objets

Face aux objets qui se brisent
A la haine, à la méprise
Le regret n’est-il pas pire
Que le souvenir, l’absence
De toute émotion, tout silence ?
Comme un voilier dans la houle
Un ULM dans la foule
Comme un objet qu’on déroule
Le souvenir de l’absence ?
Toute émotion, tout silence
De toute émotion

Face aux objets sans importance,
Aux objets qui parlent et qui dansent
Du mensonge à l’indicible,
Face aux choses qui sont la cible
De toutes les formes de silence
Qui vous critiquent et vous le disent
Vous reprochent votre existence
Ne vaut-il pas mieux l’oubli
Le simple objet que l’on déplie
Que l’on range dans sa volière
Face aux objets qui sont la cible
De toute forme d’indicible ?

Face aux choses de la misère
Aux objets qui parlent
Aux objets et qui gèrent
A ce néant
A ce néant qui nous digère
Ne vaut-il pas mieux la paix
Que toutes ces formes et ces objets
Qui nous guettent de toute manière ?
Alignés dans leur tanière
Face aux choses qui se répètent
Dont la destinée serait
Dont la destinée serait faite
A portée de nous, l’ignorance
La fin, la déliquescence
Où tout objet n’a plus de sens
Ne faut-il qu’on en appelle
A la médiation, l’essence
Ne faut-il qu’on en appelle
A la médiation
Atteindre à la reconnaissance ?
Atteindre à la reconnaissance ?

Face aux objets qui se brisent
A la haine
Le regret n’est-il pas pire
Que le souvenir, l’absence
De toute émotion, tout silence ?

Face aux objets
Face aux objets qui se brisent
Face aux objets qui se brisent
Qui se brisent

Face aux objets qui se brisent

A qui n’a pas aimé

A qui n’a pas connu l’amour n’a pas aimé
A qui n’a pas touché ses lèvres embaumées
N’a pas senti sur lui son regard lourd
Ses yeux de maladie de fièvre désarmée

A qui n’a pas touché du doigt la plaie profonde
La déchirure de l’être aimé que tout inonde
L’or qu’est devenu sans qu’on l’ai voulu
Le quotidien des choses de la banalité

Comme une plante arrachée
A la terre, au fumier
Comme une main qu’on a lâchée

Mais c’est sans doute là-haut dans la félicité
Que ces deux-là seront atteints de cécité
Et réunis sans devoir se cacher
Aveugles sur le monde et sur sa cruauté

Comme une fleur arrachée
A la terre, au fumier
Comme une main qu’on a lâchée

A qui n’a pas subi sur lui cette caresse
A qui n’a pas touché du doigt cette herbe épaisse
Qui frissonne et se courbe comme avant
Mais ces trous sont ses yeux par où passe le vent

Et tout ceci finit par m’être indifférent
Peut-être disparaître dans le pli du néant
D’avoir été ensemble, de n’être plus
Que ce qui dans les larmes et dans l’eau se dilue

Comme une plante arrachée à la terre, au fumier
Qui par sa tige reste attachée
Et ne peut ni grandir ni périr ni passer
Simplement dépérir

A qui n’a pas connu
A qui n’a pas aimé
A qui n’a pas connu
A qui n’a pas connu

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