jeudi 16 juillet 2009

PRISONNIER DE L’INUTILE - 1985




Pochette du 33 tours « Prisonnier de l’inutile ». Cet album sera réédité en CD en 1986 sans aucun changement par rapport au 33 tours.

Et l'or de leur corps
Prisonnier de l'inutile
Mauvais karma
Les enfants des tours
Chambres d'Asie
Deux voiles blanches
Est-ce ainsi que les hommes meurent ?


Manset alterne, dans ce disque comme dans beaucoup d'autres de cette période, titres "urbains" et "de voyage" ; dans la seconde catégorie, des titres longs et forts comme "Chambres d'Asie" ou "Mauvais Karma" ; dans la première, des instantanés en noir et blanc comme "Les enfants des tours" ou ce détournement glaçant mais formidable d'Aragon / Léo Ferré, "Est-ce ainsi que les hommes meurent ?".

Christophe Dufeu

Et l’or de leur corps

L’esprit des morts veille
Et quand tu t’endors
La lampe allumée
Et l’or de leur corps
Le drap grand ouvert
Cascades et rivières
Chevaux sur les plages
Sable sous les pieds
Et lagons bleutés

L’esprit des morts veille
Qui frappe à la porte
Et toi allongé
Dans ton demi-sommeil
Et l’or de leur corps
Partout t’accompagne
Quand glisse le pagne
Couleur des montagnes
Du sable et de l’eau

D’où venons-nous ?
Que sommes-nous ?
Où allons-nous ?

L’esprit des morts veille
L’ange aux ailes jaunes
Sur fond de montagne
Et sentier violet
La femme à la fleur
Quand te maries-tu ?
Dans la grande cabane
Qu’il a fait construire
A Hiva-Oa, là où il mourut

D’où venons-nous ?
Que sommes-nous ?
Où allons-nous ?

La femme à la fleur
Quand te maries-tu ?
Dans la grande cabane
Qu’il a fait construire
A Hiva-Oa, là où il mourut




Prisonnier de l’inutile

Nous avons marché le long des sentiers
Des sentiers
Parmi nous, certains sont tombés
Et tous les autres, que deviennent-ils ?
Que deviennent-ils ?
Nous sommes prisonniers de l’inutile

Derrière nous, campagnes et villages
Ensevelis sous le lierre sauvage
Où seul un chien peut-être vit tranquille
Vit tranquille
Nous sommes prisonniers de l’inutile

Nous sommes prisonniers
Des liens
Qui nous attachent
Et nous souffrons
Dans notre cœur
Comme une tache
Quelque chose
Qui grandit
Et qui se cache
Nous sommes prisonniers
Des liens
Qui nous attachent

Quelques croix sont plantées sur le chemin
Le chemin
Que les bourreaux montrent de la main
Disant : « De l’autre monde, que reste-t-il ? »
Reste-t-il ?
Nous sommes prisonniers de l’inutile

Au-delà de nous, dans le ciel de plomb
Y a-t-il un Dieu, quelqu’un, nous l’appelons ?
Nous oublier, comment le pourrait-il ?
Pourrait-il ?
Nous sommes prisonniers de l’inutile

Nous sommes prisonniers
Des liens
Qui nous attachent
Et nous souffrons
Dans notre cœur
Quelque chose
Qui grandit
Et qui se cache
Nous sommes prisonniers
Des liens
Qui nous attachent

Prisonniers de l’inutile
Prisonniers
Prisonniers


Mauvais Karma

C’est grand
C’est grand
On voit toujours du sable
Tout blanc
Tout blanc
Mais le monde est fermé quand même
Dans un écran
On voit bouger les hommes,
Les femmes
Les enfants
Dans un écran
Mais quelqu’un joue là-bas
Tire le manche vers le bas
Les choses vont et viennent
S’allument et s’éteignent
Et sont heureuses et saignent
Interminablement
Sur cet écran
Sur cet écran

Pas d’avenir
Pas de passé
Pas la moindre raison de vivre
Aucune raison d’exister
Pas d’avenir
Pas de passé non plus
Mais d’une rive à l’autre
Faut traverser
Ne jamais regarder
Par la vitre arrière
Les lézards allongés
Sur les bancs de pierre
Les buffles ensablés
Le long des rivières
Les tempes dégagées
Les cheveux
Les cheveux en arrière,
Les tempes dégagées
Les cheveux
Les cheveux en arrière,
Regarde et voit passer ténèbres,
Regarde et voit passer ténèbres
Ténèbres et lumières
Regarde et voit passer ténèbres,
Regarde et voit passer ténèbres
Ténèbres et lumières

Mauvais Karma
Et depuis dix mille ans
La trace d’un doigt
Qui pousse la roue
La roue de la loi
Claque la porte et tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble

Pas d’avenir
Non, pas de passé
Mais où sont les routes
Les routes effacées
Que sont devenues toutes
Nos pensées ?
Ce monde va sans doute
Se briser
Que sont devenues
Toutes nos vies passées
Les marches sur lesquelles
On a tous dansé
Nos actes, nos gestes, nos pensées ?
Dans la peau de qui
De qui se sont enfoncées
Dans la peau de qui
De qui se sont enfoncées
Regarde et voit passer ténèbres
Regarde et voit passer ténèbres
Ténèbres et lumières,
Regarde et voit passer ténèbres
Regarde et voit passer ténèbres
Ténèbres et lumières

Mauvais Karma.
Au fond d’un verre
La trace d’un doigt
Comme un visage
Qui te ressemble
Claque la porte et tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble

Mauvais Karma
Et depuis dix mille ans
La trace d’un doigt
Qui pousse la roue
La roue de la loi
Claque la porte et tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble
Tremble

Claque la porte et…




Les enfants des tours

Il faudra bien qu’on pense un jour
Aux enfants qui poussent dans les tours
Sur les trottoirs, sous les néons
Ceux qu’on ramasse dans les cartons
Où sont les vastes terrains vagues
Tout est silence
Les murs de briques, les tas de sable
De mon enfance
Les enfants nus, visage de charbon
Suivant les sentiers dans la grisaille
De nos maisons de France
J’y pense maintenant
Puisque ça n’a plus cours
Que seuls les chiens restent
Au fond des cours
Et que les écoliers
Pareil aux écolières
On leur met le collier

Et que les écoliers
Pareil aux écolières
On leur met le collier

Il faudra bien qu’on pense un jour
Aux enfants qui poussent dans les tours
Sur les trottoirs, sous les néons
Ceux qu’on ramasse dans les cartons
Où sont les vastes terrains vagues
Tout est silence
Les murs de briques, les tas de sable
De mon enfance
Les enfants nus, visage de charbon
Suivant les sentiers dans la grisaille
De nos maisons de France
J’y pense maintenant
Puisque ça n’a plus cours
Plus d’importance
Qu’on est devenu sourd
Et que les écoliers
Pareil aux écolières
On leur met le collier

Les enfants nus, visage de charbon
Suivant les sentiers dans la grisaille
De nos maisons de France
J’y pense maintenant
Puisque ça n’a plus cours
Plus d’importance
Qu’on est devenu sourd
Et que les écoliers
Pareil aux écolières
N’ont plus la moindre chance
Que l’on avait hier
Et que les écoliers
Pareil aux écolières
N’ont plus la moindre chance




Chambres d’Asie

Chevelures des fenêtres fermées des chambres d’Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Chevelures des rideaux déchirés, des néons tristes
Et plus rien d’autre pour te prouver que tu existes
Et plus rien d’autre pour te prouver que tu existes
Non, plus rien d’autre pour te prouver que tu existes

Chevelures des fenêtres fermées des chambres d’Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Chevelure immobile et chaude des longues nuits
Draps mouillés de tous les cris des odeurs du temps qui fuit

Chambres d’Asie
Retournes-y
La nuit le jour
Murs moisis
Peau de velours

Chevelures des fenêtres fermées des chambres d’Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Chevelure immobile et chaude des longues nuits
Draps mouillés de tous les cris des odeurs du temps qui fuit

Chevelure des rideaux tirés des fenêtres closes
Le reflet dans les glaces des murs des corps qui reposent
Bruit des clés des barreaux des portes de fer
Le couloir allumé le jour et la nuit comme en en enfer

Comme en enfer
Mais comment faire
Retournes-y quand même
Murs moisis
Où l’on te dit qu’on t’aime

Chevelures des fenêtres fermées des chambres d’Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Souvenir inutile et triste des longues nuits
Et mordre dans les draps des chambres d’Asie
Comme on mord dans un fruit

Chambres d’Asie
Retournes-y
Un jour ou l’autre
Emmènes-y
La peau d’un autre

Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Chevelure immobile et chaude des longues nuit
Et mordre dans les draps des chambres d’Asie
Comme on mord dans un fruit

Chevelures des fenêtres fermées
Papier des murs des chambres
Chevelure immobile et chaude
Draps mouillés de tous les cris

Chevelure des rideaux tirés des fenêtres closes
Le reflet dans les glaces des murs
Bruit des clefs des verrous des barreaux
Les couloirs allumés les jours et la nuit
Papier des murs des chambres






Deux voiles blanches

Et l’aube amène la pluie, la brume
Dans l’eau du port brille la lune
Un sac posé sur une dune
Et dans les tasses, le café fume
Oublie les folies, les rancunes
La mer est remplie d’algues brunes
Avec le temps, les gestes meurent
Et rien ne reste, rien ne demeure
La femme, la fille, le garçon pleurent
Il va s’en aller tout à l’heure

Y aura toujours deux voiles blanches sur la mer
Quelque part n’importe où à l’autre bout de la terre
Y aura toujours deux voiles blanches voiles rondes

Et l’aube amène la pluie, la brume
Les hommes ont les cheveux qui fument
Comme des chevaux couverts d’écume
La mer est remplie d’algues brunes
Ouvre les fenêtres une à une
Au comptoir du café des dunes
Avec le temps les gestes meurent
Y a plus de soleil, y a plus de couleurs
La femme, la fille, le garçon pleurent
Il va s’en aller tout à l’heure

Y aura toujours deux voiles blanches sur la mer
Quelque part à l’horizon à l’autre bout de la terre
Y aura toujours deux voiles blanches voiles rondes
Quelque part à l’horizon à l’autre bout du monde




Est-ce ainsi que les hommes meurent ?

Depuis bien longtemps déjà, j’ai cessé d’écrire
Cesser de lever les yeux, cessé de relire
Dans le parc devant la grille, les hommes arrivent
Et juste une trace de pas le long des rives
Juste une trace de pas le long des rives

Depuis bien longtemps
Je ne dirige plus les musiciens
Depuis bien longtemps
Laissé pendu l’habit de magicien
Dans le parc devant la mer
Les robes blanches
Enfants fragiles comme du verre
Jouent sous les branches
Enfants fragiles comme du verre
Jouent sous les branches

Est-ce ainsi que les hommes meurent ?
Et leur parfum au loin demeure
Et leur parfum au loin demeure

Depuis bien longtemps déjà j’ai cessé de vivre
De toucher du bout des doigts la tranche des livres
Dans le parc devant la rive des bruits étranges
Un bruissement d’aile lumières cheveux des anges
Le bruissement des ailes les lumières les cheveux des anges

Depuis bien longtemps déjà le seul souvenir
D’une miette de vie encore que je respire
Dans le parc devant l’allée le vide immense
Le bruit des pas sur le gravier de mon enfance
Bruit des pas sur le gravier les ombres dansent

Est-ce ainsi que les hommes meurent ?
Et leur parfum au loin demeure
Et leur parfum au loin demeure

Est-ce ainsi que les hommes meurent ?
Et leur parfum au loin demeure
Et leur parfum au loin demeure

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